Cet article a été initialement publié dans l’Heure du peuple.
« Le sexe de la personne est généralement déterminé à la naissance, puis il devient un fait juridique et social. Or, certaines personnes – assez peu nombreuses – ne se reconnaissent pas dans le sexe auquel elles appartiennent. Il en va de même pour les personnes intersexuées dont le corps résiste à la classification binaire classique entre hommes et femmes. »
Rapport thématique du 31 juillet 2009 « Droits de l’Homme et identité de genre » du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe.
En 2017, l’Avenir en commun proposait d’autoriser « le changement d’état civil libre et gratuit devant un officier d’état civil ». Avec les autres mesures présentées dans le livret thématique « Droits nouveaux », les droits des personnes trans concernent plusieurs milliers de personnes en France.
À la naissance, le sexe d’une personne est généralement déterminé par les médecins, selon ce qui apparait des organes génitaux externes1. On dit qu’il y a assignation à la naissance. L’assignation est un processus répété ensuite tout au long de la vie. Au quotidien, la plupart des personnes que nous rencontrons nous attribuent aux catégories « femme » ou « homme » selon des critères variés. Ce sont généralement les vêtements et les caractères sexuels secondaires (la pilosité, la forme de la poitrine, le ton de la voix…), mais rarement les caractères sexuels primaires (la forme de l’appareil génital).
Le sexe – ou genre – sous lequel on se présente est donc social. Il dépend de la manière dont nous sommes perçus par les autres. Le système de genre dans lequel nous vivons fonctionne avec deux classes de genre bien distinctes et supposément étanches. La domination de l’une sur l’autre est caractéristique du patriarcat.
Les personnes transgenres souhaitent passer d’une classe de genre à une autre, ou du moins s’extraire de la catégorie à laquelle elles ont été assignées. Cette transition constitue souvent un besoin : lorsqu’une personne ressent une souffrance psychologique à vivre dans le genre auquel elle est assignée au quotidien, on parle de dysphorie de genre.
Les personnes trans décident parfois simplement de changer de vêtements, de changer de prénom d’usage, ou encore de demander à leur entourage de changer les accords d’adjectifs et les pronoms utilisés pour les désigner. Souvent, elles entament aussi des procédures médicales. Celles-ci sont variées, et incluent typiquement la prise d’hormones (œstrogènes, testostérone) afin de transformer le corps, et parfois des opérations comme l’ablation des seins ou des chirurgies de reconstruction génitale.
Beaucoup de personnes transgenres, lorsqu’elles le peuvent, tentent de ne pas rendre public le fait qu’elles sont trans. Néanmoins, parce qu’il n’est pas toujours possible de le cacher, elles subissent au quotidien des discriminations (pour accéder à un emploi ou un logement par exemple), et des violences de la part d’individus ou d’organisations transphobes. Les parcours médicaux sont aussi très compliqués, et les discriminations quotidiennes. Les points les plus urgents sur lesquels l’État peut agir sont donc l’amélioration de ces parcours et la fin des discriminations administratives.
Mettre fin aux discriminations administratives
Pour les personnes trans, la mention incorrecte du sexe sur leurs papiers d’identité contribue à la dégradation de leur qualité de vie. La discordance entre l’identité légale et l’identité perçue par la société les expose à des discriminations et des entraves en matière d’accès à l’emploi, au logement, aux soins, aux services bancaires, et parfois même au droit de vote. L’absence de papiers d’identité en règles les empêche parfois de rendre visite à de la famille ou des proches, même pour de courts voyages à l’étranger. Au quotidien, elle oblige les personnes à rendre public un fait qui relève de l’intime.
La loi nº 2016–1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a facilité le changement de la mention du sexe à l’état civil en permettant aux personnes de faire ces démarches auprès du tribunal administratif et en levant les conditions médicales qui existaient auparavant. Elles doivent néanmoins toujours fournir un ensemble de « preuves » comportant des éléments de leur vie privée, comme des photos ou des communications écrites. De plus, rien n’est fait pour que cette nouvelle loi soit appliquée correctement. Des mairies et des tribunaux exigent encore des documents médicaux, ou font appel à des critères tels que l’apparence physique de manière illégale.
La tendance est à la facilitation de ces démarches dans beaucoup de pays dans le monde. La France doit être à la pointe de ce mouvement en levant l’obstacle légal à la lutte contre les discriminations que constitue les démarches juridiques actuelles. Au delà même du changement d’état civil, les protocoles des administrations ne sont pas adaptés : faire changer sa mention du sexe à la CAF ou dans certaines caisses de sécurité sociale peut encore relever du parcours de combattant.
L’urgence est que le gouvernement publie une circulaire pour faire respecter la loi. Mais la France insoumise au pouvoir autoriserait le changement d’état civil libre et gratuit devant un officier d’état civil, inscrirait le droit à l’autodétermination de genre dans les droits humains inaliénables protégés par la Constitution de la VIe République, et formerait tous les personnels des administrations publiques aux problématiques de l’identité de genre.
Mettre fin aux maltraitances médicales
Les équipes hospitalières interdisciplinaires de prise en charge de la transidentité se sont auto-constitués en France au début des années 1980. Elles ont donné naissance à la Sofect, « Société française d’études et de prise en charge du transsexualisme », aujourd’hui « de la transidentité ». La Sofect est vivement critiquée par de nombreuses associations de défense des droits des personnes trans pour ses approches archaïques voir dangereuses pour les patientes et les patients. Les nombreux témoignages font état d’une psychiatrisation à outrance, alors que la transidentité n’est pas une maladie, et d’une forte normativité de la part des médecins quant à ce à quoi doit aspirer une personne trans. Ces équipes ont été créées avec la participation d’un certain nombre de psychiatres connus pour leurs écrits particulièrement transphobes.
La Sofect tente depuis quelques années de redorer son image, mais il est difficile de mesurer à quel point les protocoles évoluent réellement, beaucoup des praticiens étant les mêmes qu’il y a quelques années. Quelques associations ont pu renouer le dialogue avec elle, mais la plupart refusent encore un dialogue qui aurait pour effet renforcer sa légitimité auprès des pouvoirs publics.
La Sofect est en effet l’interlocuteur privilégié de l’État sur la question de la transidentité, coupant la voix aux associations. En 1989, une circulaire du Ministère de la Santé a même établie que seules les personnes passant par ces équipes pourraient obtenir un remboursement de leurs soins. Cette circulaire a été déclarée illégale en 2004 par la Cour de Cassation.
La loi française garantit au patient le libre choix de son praticien. Mais en pratique, les personnes voulant entamer un parcours médical en passant par des spécialistes exerçant en libéral font face à de lourds dépassements d’honoraires. Pour de nombreux actes, et notamment certaines opérations chirurgicales, passer par la Sofect reste une obligation en France du fait du faible nombre de médecins formés.
L’Avenir en commun propose de rembourser à 100% de tous les soins prescrits, d’abolir les dépassements d’honoraires, et de reconnaître le libre choix des parcours médicaux de transition, avec le maintien des remboursements en France et à l’étranger. Enfin, l’instauration d’un pôle public du médicament faciliterait l’égal accès aux traitements face aux laboratoires privés. Ce pôle pourrait mettre fin aux pénuries rencontrées régulièrement, et intégrer les personnes trans aux protocoles de recherche. Faute d’investissement, elles utilisent aujourd’hui des médicaments « hors autorisation de mise sur le marché » c’est-à-dire conçus et testé d’autres usages, comme le traitement de la ménopause.
Ces questions d’égalité sont essentielles et urgentes pour la vie de milliers de gens. Depuis 2017 les députés insoumis ont proposé des amendements sur ces questions à l’occasion de plusieurs projets de loi. Mais les députés LREM ont refusé systématiquement toutes leurs propositions.