Ce 31 mars, comme chaque année, c’est la journée internationale de la visibilité transgenre. Selon Wikipedia, la journée a été proposée en 2009 par la militante américaine Rachel Crandall. Elle souhaitait réagir au fait que la seule journée où l’on parlait des personnes trans dans les milieux LGBT était le Jour du Souvenir Trans, où l’on rend hommage aux personnes trans mortes de la transphobie, mais qu’il manquait un moment pour célébrer les vivants.
Il est vrai que si les personnes trans sont particulièrement victimes de violences et d’assassinats partout dans le monde, la concentration du militantisme sur ce sujet pose une autre difficulté. En dépeignant la transition comme une vallée de larmes et un risque mortel, on décourage de transitionner des personnes en questionnement pour qui ce serait en réalité le meilleur choix.
La journée de visibilité trans a cette vertu : elle permet aux personnes trans de voir une réalité enviable, de voir que d’autres personnes existent et dans une certaine mesure, de créer de la solidarité.
Aujourd’hui, énormément d’associations et de militant⋅es LGBTI pas uniquement trans célèbrent cette journée.
Sur Twitter, en particulier, elle se traduit chaque année par la montée d’un hashtag en tendance où des personnes trans postent des selfies. Comme toutes les fois où des posts sur les questions LGBTI sont extrêmement partagés sur les réseaux sociaux, la conséquence est qu’ils sont majoritairement lus par des personnes non concernées.
Je n’ai moi-même pas posté de selfie, mais j’ai posté quelques messages à destination des personnes pas trans qui tomberaient sur le hashtag, que je reprends ici sous une forme plus pérenne.
J’ai légèrement modifié quelques formulations, mais dans l’ensemble, le contenu est le même que ce fil →
Cette journée est d’abord pour les personnes trans. Elle leur permet de se voir entre elles. Beaucoup de personnes trans sont très isolées, parfois entourées uniquement de personnes transphobes. La journée de la visibilité trans, avec un hashtag où des personnes trans partagent des photos sur les réseaux, leur rappelle qu’elles ne sont pas seul⋅es et les aide à se sentir légitimes à exister aussi. C’est particulièrement vrai pour les personnes en début de transition, ou qui sont au placard, c’est à dire qui souhaitent transitionner mais n’en ont pas parlé autour d’elles.
C’est aussi important quand on hésite à transitionner d’avoir des exemples de personnes trans qui font toutes sortes de métiers et qui réussissent. À ce sujet le super Wiki Trans a une super page sur les personnalités publiques trans.
La bonne visibilité trans est celle que l’on choisit
Mais la bonne visibilité est celle que l’on choisit. Ayez en tête que pour une personne trans, si voir d’autres personnes trans est toujours chouette, la visibilité n’est pas forcément ce qu’elles souhaitent pour elles-mêmes.
Durant une transition sociale, la visibilité est souvent synonyme de danger, d’agressions physiques et verbales. D’insultes dans la vrai vie comme en ligne. Beaucoup de personnes trans, et j’en suis, ont subi des agressions en début de transition.
Si elles ne choisissent pas forcément de devenir invisibles, ces personnes apprennent au moins à montrer leur transidentité d’une manière qui ne les met pas en danger. (Au passage, comme toutes les autres minorités pour qui la visibilité est toujours à double tranchant.)
Pour ma part, je ne cache pas que je suis une femme trans lorsque je parle de transidentité ou de féminisme comme militante, et que je parle à des personnes que le sujet intéresse. Mais quand je vais sur un plateau parler de la réforme des retraites, j’essaie plutôt que cela ne se voit pas. Pas parce que j’en ai honte, mais parce que la fois où cela s’est vu, l’essentiel des commentaires sous le replay étaient des commentaires transphobes et que j’ai peur des réactions malaisantes de certains journalistes, ou même tout simplement qu’on ne m’invite pas pour cette raison.
Tout ça pour dire que les personnes que vous allez voir sur ce hashtag sont toutes magnifiques, mais ne sont probablement pas représentatives de toute la diversité des personnes trans. Des tas de personnes sont dans le « deuxième placard » c’est à dire sont trans, mais ont fait le choix de complètement cacher leur passé et leur transition. Il faut l’avoir en tête et ne pas l’oublier.
La transidentité ça ne « se voit » pas toujours
Petite anecdote à ce propos : un ami m’a envoyé un message il y a quelques mois. Il avait vu un article sur des mannequins trans, et ne comprenait pas pourquoi elles revendiquaient cette étiquette alors qu’elles étaient « dans les canons de la beauté la plus classique ». En clair, il pensait qu’elles étaient cis, et il pensait que qu’elles voulaient justement attirer de la visibilité alors « les « vrais » trans subissent au quotidien des violences et discriminations réelles » (sic).
Ces mannequins étaient effectivement trans, elles avaient bien bien été assignées garçons à la naissance. Je ne peux pas le blâmer : un des mythes les plus puissants et les plus faux autour de la transidentité est que « ça se voit ». Mais des tas de personnes trans choisissent d’être invisibles. Votre voisin, votre boulangère, votre collègue a peut-être transitionné et vous ne le savez pas, car c’est la vie qu’elles ont choisi. Donc regardez si vous voulez ce hashtag #TransDayOfVisibility , mais ne les oubliez pas ! Que l’on choisisse ou non d’être visible, ce qu’on veut toutes et tous c’est de droits.